mardi 23 juin 2015

Affaires publiques, programmes et publics




Les enjeux sociaux et culturels contraignent les programmateurs à adapter la grille-horaire aux goûts des publics, et ce tout en considérant l'impératif du commerce et de la rentabilité. Le divertissement se taille une place de plus en plus importante sur nos écrans, l'information-spectacle s'impose dorénavant comme étant un modèle à suivre. Les émissions d'affaires publiques sont d'ailleurs fréquemment présentées sous forme de talk-show ou de débats à saveur sensationnaliste.

Deux logiques contradictoires ont forgé au fil du temps l'identité de la télévision au Québec: l'une définissant le média comme étant un service public et l'autre l'identifiant comme étant soumis à une logique commerciale. La logique commerciale a mené à travers l'histoire à l'homogénéisation des contenus dans un contexte où la compétition est de plus en plus féroce. Les programmateurs des chaînes de télévision généralistes préfèrent ne pas prendre de risques, ils usent donc de la contre-programmation mimétique au détriment du renouveau de leurs contenus. Malgré l'homogénéisation de la télévision, certains types de programmes échappent toutefois à la normalisation.

Les chaînes privées auront davantage tendance à adopter la logique commerciale dans leur programmation tandis que les chaînes publiques s'intéresseront davantage à la logique de services publics. Une différence observable à juste titre dans les différents contenus des émissions d'affaires publiques. Bien que toutes les chaînes tendent vers l'information-spectacle, les chaînes publiques présentent toutefois des émissions d'affaires publiques de type service public, tandis que les chaînes privées se contentent bien souvent de diffuser de l'information-spectacle suivant une logique commerciale.

  1. Analyse du contenu des émissions d'affaires publiques
              1.1  Format des émissions

En ce qui a trait aux émissions d'affaires publiques, on retrouve différents formats d'émissions tels que les magazines, les séries documentaires et les débats/entretiens.Une chaîne publique à vocation éducative présentera davantage de séries documentaires et d'émissions de services, tandis qu'une chaîne privée possédant un mandat de divertissement traitera les émissions d'affaires publiques de façon plus légère, avec des émissions de type débats/entretiens au coût de production moindre.

TVA met en ondes des émissions telles que Denis Lévesque et Mario Dumont , qui traitent des sujets d'actualités en passant par le sensationnalisme. Il s'agit d'un format d'émission de type débats/entretien. Radio-Canada présente des séries telles que L'épicerie , La Facture ou La semaine verte, qui sont des émissions de services. Le magazine Enquêtes qui est une émission de journalisme d'enquête à saveur sensationnaliste remporte un certain succès en raison de son potentiel de divertissement. En effet, Radio-Canada tend de plus en plus vers le divertissement en tentant de suivre la ligne directrice de son mandat éducatif. Second Regard et Découvertes proposent quant à elles des émissions thématiques et des séries documentaires beaucoup plus coûteuses à réaliser que les émissions de type débats/entretiens.

Télé-Québec qui est une chaîne publique à vocations éducative et culturelle présente des documentaires et des mini-séries documentaires. Le magazine de services Une pilule une petite granule propose quant à lui des dossiers sur différents sujets qui touchent la santé. Ça vaut le coût! est également un magazine de services qui traite de différents sujets visant à outiller les publics. Le code Chastenay est une émission de vulgarisation scientifique du même type que Découvertes. L'émission Deux homme en or est un format talk-show qui traite des affaires publiques tout en passant par le divertissement, comme quoi les télévisions publiques s'intéressent aussi à la logique commerciale.

1.2 Contenu des émissions

Le contenu des émissions d'affaires publiques varie donc d'une émission à l'autre et d'une chaîne à l'autre. TVA traite des questions politiques, économiques et sociales d'un point de vue relativement étroit puisque l'information y est traitée selon les opinions des animateurs. La chaîne n'a qu'un seul type de contenu en ce qui a trait aux émissions d'affaires publiques. Ces contenus sont basés sur une logique commerciale, donc la chaîne présente des émissions dont la forme importe davantage que le contenu. Les émissions d'affaires publiques de TVA sont calquées sur certains programmes de radio populaires où un animateur enflammé commente l'actualité selon sa propre perception des événements.

Radio-Canada présente quant à elle des programmes sur les questions pratiques, la chaîne touche également aux sciences et technologies ainsi qu' aux découvertes du monde et de la nature. En somme, son offre est beaucoup plus riche que l'offre de TVA en raison de son mandat éducatif. Elle se base davantage sur une logique de service public mais elle demeure sensible à la logique commerciale dans l'élaboration de ses contenus.

Télé-Québec présente aussi des programmes sur les questions pratiques et les sciences et technologies, elle traite également des questions politiques, économiques et sociales. Elle se base peu sur la logique commerciale, phénomène plutôt rarissime dans le milieu télévisuel actuel. Bien sûr la chaîne doit compter sur ses annonceurs pour survivre, or ses contenus se basent principalement sur la logique de service public. C'est pourquoi ses programmes sont plus riches et variés en général que ceux présentés par les autres chaînes.

1.3 Public cible visé

Les chaînes de télévision généralistes telles que TVA et Radio-Canada visent un large auditoire en raison de la logique commerciale qui les affecte davantage; nonobstant leur mandat de départ. La compétition de plus en plus féroce, la multiplication des chaînes et l'avènement du web contraignent les chaînes publiques à se prêter à la loi du commerce. C'est pourquoi le public cible visé par les chaînes généralistes est le ''grand public''. Télé-Québec détient quant à elle un mandat spécial d'éducation par rapport aux jeunes publics, mais elle présente également plusieurs émissions qui s'adressent à un public plus large. '' Télé-Québec reconnaît le besoin des enfants et des jeunes de se voir et de se retrouver dans des émissions de télévision. Ainsi, la programmation pour enfants et adolescents occupe une place privilégiée dans sa grille horaire. La titulaire souligne que pour l’année de radiodiffusion 2007-2008, la programmation jeunesse de Télé-Québec comptait pour un peu moins de la moitié de sa grille de programmation .'' (Décision de radiodiffusion CRTC 2009-444, juillet 2009, art. 3)

En somme les grille-horaire des télévisions généralistes sont toutefois conçues de façon à rejoindre la masse; et ce afin d'accroître les profits. Télé-Québec est toutefois moins sensible à cette logique commerciale puisque son public -cible et son mandat diffèrent. Mais quoi qu'il en soit, les émissions d'information et d'affaires publiques s'adressent toujours au ''grand public''.

    1. Origine des productions

Les jeux télévisés et les émissions d'information et d'affaires publiques représentent l'essentiel des activités de production de TVA. ''Les Québécois francophones manifestent une nette préférence pour les émissions produites au Québec'' (Caplan, Sauvageau, 1986: 223-224) c'est pourquoi la chaîne produit des émissions dans ses studios; or peu de séries dramatiques dont les coûts de production sont très élevés y
sont produites. TVA préfère importer ce type d'émission des États-Unis pour un coût moindre. Cependant les émissions d'affaires publiques, pour intéresser les publics; doivent traiter des enjeux sociaux et culturels qui les touchent. C'est pourquoi ce type d'émissions est rarement importé.

Les choix du programmateur quant à la l'origine des productions de TVA sont donc basés sur une logique commerciale. Lors de son audience au Conseil de la radiodiffusion et télécommunications canadiennes à Ottawa le 26 avril 2012, Québécor Média a accepté un engagement à dédier 80% de ses dépenses en production à la programmation canadienne, or QMi est revenu sur sa décision le 20 janvier 2012: '' QMi a soutenu qu’aucune mesure réglementaire ne lui semble nécessaire pour veiller au soutien financier de la production d’émissions prioritaires afin de stimuler la création et la promotion du contenu canadien puisque le marché de langue française dicte en lui-même des seuils significatifs d’émissions prioritaires.'' (Décision de radiodiffusion CRTC 2012-242, avril 2012, art. 15)

Par ailleurs, une récente décision CRTC entend modifier la loi sur les quotas d'émissions canadiennes: '' L'organisme de réglementation fédéral a annoncé jeudi, à la surprise de plusieurs, que les réseaux canadiens de télévision n'auraient plus à présenter d'émissions produites au pays avant 18h. Auparavant, 55% des émissions présentées devaient être canadiennes.'' (Étienne Fortin-Gauthier, 15 mars 2015) Une décision qui risque d'avoir un impact négatif sur l'industrie télévisuelle au Québec, puisque les chaînes généralistes auront davantage tendance à faire l'acquisition d'émissions en provenance des États-Unis.

La SRC a quant à elle accepté le mandat du Conseil de la radiodiffusion et télécommunications canadiennes lors de son audience le 28 mai 2013: '' À l’heure actuelle, le Conseil s’attend à ce que la télévision de langue anglaise et celle de langue française consacrent au moins 75% de la journée de radiodiffusion et 80% des heures de grande écoute (de 19 h à 23 h) à des émissions canadiennes. Pour la prochaine période de licence, la SRC a indiqué être disposée à accepter que ces attentes deviennent des conditions de licence.'' ( Décision de radiodiffusion CRTC 2013-263 et Ordonnances de radiodiffusion CRTC 2013-264 et 2013-265, 28 mai 2013,art. 39)

Lors de son audience à Ottawa le 28 mai 2013, il a été proposé à la SRC de présenter 50% d'émissions en provenance de producteurs indépendants. ''La Canadian Media Production Association (CMPA) et On Screen Manitoba (OSM) déclarent que la condition de licence devrait préciser qu’au moins 50 % de la programmation devrait provenir de producteurs indépendants et mentionner la région d’origine.'' (Décision de radiodiffusion CRTC 2013-263, art. 33)

Radio-Canada produit également ses propres émissions d'affaires publiques. Ces émissions sont disponibles sur le site web de la chaîne, accessibles jusqu'à l'extérieur
du Québec. ''Les émissions disponibles sur tou.tv ne sont pas disponible hors du Canada en général, sauf celles qui sont produites par Radio-Canada, en particulier les
émissions d’affaires publiques.'' (Mathieu Durocher, novembre 2014, http://entraide.ici.radio-canada.ca/sujet/tout-tv-donc-t-il-au-usa/)
Il s'agit donc d'une partie importante de la programmation de la chaîne puisque ces émissions sont susceptibles de toucher un public plus large. La provenance des émissions de la SRC est basée tantôt sur une logique commerciale, tantôt sur une logique de service public.

Télé-Québec présente quant à elle des émissions qui proviennent en majeure partie de producteurs indépendants: ''Télé-Québec affirme que plus de 95 % de ses émissions proviennent actuellement du secteur de la production indépendante et indique qu’elle compte continuer à utiliser les services de producteurs indépendants dans les mêmes proportions pour la prochaine période de licence. '' (Décision de radiodiffusion CRTC 2009-444, art. 8) L'origine de ses productions est donc presque entièrement basée sur une logique de service public.


1.5 Fonction remplie par l'émission dans la programmation

L'information télévisée et les émissions d'affaires publiques répondent à un besoin des publics de se situer par rapport à leur environnement politique, économique, culturel et social . Les émissions d'affaires publiques commentent ou rapportent au moyen de reportages les actualités qui intéressent les publics. Toutefois, l'objectivité journalistique peut parfois être remise en cause dans la présentation de ce type de programmes.

Par exemple, TVA offre une programmation des émissions d'affaires publiques qui relève strictement de l'éditorial. Des animateurs commentent et exposent la nouvelle selon leur perception. En contrepartie, Radio-Canada et Télé-Québec font davantage preuve d'objectivité à travers leurs différentes émissions d'affaires publiques. L'information télévisée est toutefois manipulée la plupart du temps de façon à faire accepter aux publics la prédominance de l'hégémonie. En ce sens que le discours télévisuel est étudié de manière à faire accepter la domination politique et les intérêts des classes dominantes. La télévision vise donc à ''faire adhérer à une vision du monde'' à ''fabriquer un consensus social'' (Herman, Chomsky, 1988) et les émissions d'affaires publiques en témoignent.

  1. Contraintes sociales et programmation

2.1 Évolution des publics et des programmations

La télévision est apparue au Québec en 1952, et elle fût d'abord modelée sur les contenus radiophoniques qui présentaient à l'époque des émissions de divertissement tels que les soaps-opera , premiers balbutiements du divertissement dans le monde des médias au Québec. Au début des années 80, le public a commencé à développer de nouvelles habitudes de consommation avec le magnétoscope et la location de vidéocassettes.

Puis l'avènement d'internet est venu modifier à nouveau ces pratiques, si bien que les clubs vidéos sont en actuellement chute libre. '' Depuis 2008, plus de la moitié des clubs vidéo ont disparu au Québec. '' (Deux autres clubs Vidéotron ferment leurs portes à Québec, Jean-Michel Genois-Gagnon, Le Soleil, 25 janvier 2015) Aujourd'hui, on observe de plus plus en de contenu web calqué sur le mode de fonctionnement de la télévision. Des créateurs de contenus font appel à des annonceurs afin de rentabiliser leurs programmations dont le contenu diffère de la programmation télévisuelle régulière. Des chaînes de diffusion en streaming sur internet offrent donc aux publics des contenus de plus en plus spécifiques et variés. Les programmateurs de télé généraliste ont ainsi été contraints de s'adapter à l'ère du web.

La télévision a donc subi de multiples transformations depuis son apparition dans les foyers du Québec. La radio a initié la télévision qui était au départ basée sur une logique de service public. La mondialisation du marché de la télévision a ensuite apporté la multiplication des chaînes et la logique commerciale qui en découle. Puis les habitudes d'écoute des publics ont été modifiées avec l'usage des magnétoscopes et la location de vidéocassettes. Aujourd'hui, ces pratiques sont à nouveau modifiées avec l'avènement du web. Peut-on se questionner sur la pertinence d'une offre aussi abondante de canaux spécialisés? À qui profite véritablement cette offre, aux publics ou à la logique commerciale?
    1. Avenir des émissions d'affaires publiques au Québec

Dans sa nouvelle politique réglementaire sur la télévision, le CRTC adopte des décisions qui pourraient nuire à l'avenir de la télévision traditionnelle. En effet, ''la FNC constate que le Conseil privilégie une approche où la télévision (linéaire ou non) choisira des productions populaires favorisant les cotes d'écoute, et laissera dans l'ombre les genres traditionnellement associés à la culture de tout acabit.'' (Des choix qui nuisent à l'avenir de la télé traditionnelle, Fédération nationale des communications, ( FNC-CSN) 20 mars 2015)


De plus, le CRTC accorde dorénavant aux diffuseurs le droit de diffuser le ''genre'' d'émissions qu'ils veulent. En ce sens qu'il n'y aura plus de normes établies en ce qui concerne le type d'émissions que les télévisions généralistes doivent programmer. ''Cela risque fort de faire en sorte que toutes les télévisions finissent par se ressembler, et que certains types d'émissions, comme la culture, les arts, les documentaires ou les affaires publiques disparaissent de l'écran. '' (Des choix qui nuisent à l'avenir de la télé traditionnelle, Fédération nationale des communications, ( FNC-CSN) 20 mars 2015)


En somme, le CRTC relâche ses normes en raison de la logique commerciale qui prend de plus en plus le dessus sur la logique de service public. Les publics ne sont plus au centre des préoccupations des programmateurs, on se soucie dorénavant des annonceurs en premier lieu. On a ainsi conditionné les publics à l'insipidité de l'offre télévisuelle. Un changement qui s'est opéré très lentement au fil des années, si bien qu'aujourd'hui on s'attend avant tout à être diverti par la télé.

Pour le volet informatif, le web s'avère dorénavant mieux adapté et permet aux publics de se forger une opinion libre grâce à la diversité des sources d'information. L'avenir de la télévision traditionnelle est donc menacé par l'appauvrissement de son offre, jouxté à la recrudescence des contenus web; de plus en plus riches et diversifiés.



Liste des documents consultés

  • Décision de radiodiffusion CRTC 2009-444, juillet 2009
  • Rapport Caplan, Sauvageau, 1986
  • Décision de radiodiffusion CRTC 2012-242, avril 2012
  • Quotas d'émissions: la décision du CRTC inquiète Hélène David , Étienne Fortin-Gauthier, La Presse Canadienne, 15 mars 2015
  • Décision de radiodiffusion CRTC 2013-263 et Ordonnances de radiodiffusion CRTC 2013-264, 28 mai 2013
  • http://entraide.ici.radio-canada.ca, Mathieu Durocher, novembre 2014
  • The Political Economy of the Mass Media , Herman, Chomsky, 1988
  • Deux autres clubs Vidéotron ferment leurs portes à Québec, Jean-Michel Genois-Gagnon, Le Soleil, 25 janvier 2015

lundi 15 juin 2015

Politique, convergence et capitalisme de la télévision de marché au Québec

  Image source: www.philosophie-spiritualite.com


Je n'ai pas la télévision depuis 10 ans. Je me suis désabonnée de l'offre télévisuelle parce-que celle-ci me semble depuis plusieurs années répétitive et dépourvue d'intérêt. J'ai également constaté que le web s'imposait de plus en plus comme une alternative économique, offrant un contenu toujours plus vaste et intéressant.

Cette façon de consommer les médias me permet également d'échapper à la généralisation de l'information-spectacle et à d'autres produits de la culture de masse qui ne me rejoignent pas. Bref, je redécouvre aujourd'hui la télévision un peu comme une étrangère. Lever le voile sur elle démystifie en quelque-sorte les raisons pour les quelles je l'ai délaissée...


Dans le cadre de cet essai, j'ai choisi d'étudier la programmation du réseau TVA suivant la grille-horaire du 18 au 24 avril 2015.TVA accorde plus d'importance à la forme qu'au contenu de ses émissions. Il s'agit d'une télévision de marché qui vise à capitaliser des profits. Elle cherche donc à divertir les publics et mise sur des émissions légères qui ne nécessitent pas d'effort mental. Il faut préciser d'emblée que la situation de TVA est particulière puisque la chaîne fait partie de l'empire Québécor qui bénéficie d'une importante synergie des médias. Cela permet notamment à la chaîne de faire plus de profits malgré une concurrence de plus en plus forte.

En effet, le marché télévisuel est de plus en plus féroce et le financement se fait de plus en plus rare. C'est pourquoi nous assistons aujourd'hui à une homogénéisation des contenus de la télévision généraliste. On ne veut déplaire ni aux publics, ni aux publicitaires. On accepte donc le pari de plaire moyennement à tous, et ce dans l'espoir de fidéliser les publics et d'accroître les profits. Or le pari de l'homogénéisation des contenus risque-t-il d'être mis en péril dans un avenir rapproché considérant la nouvelle façon qu'ont les jeunes de consommer les médias?


Il est désormais possible de regarder sur le web une grande variété d'émissions issues des chaînes de télévisions publiques et privées. Sans parler des documentaires, films et émissions diffusés par des producteurs indépendants. Les nouvelles générations semblent d'ailleurs délaisser la télévision au profit d'internet : ''Ils regardent moins la télévision que leurs aînés, mais passent leur temps à surfer sur internet sur leur téléphone intelligent: la génération numérique a inventé une nouvelle manière de consommer les médias, bouleversant les pratiques audiovisuelles.'' Giffard Marie, Agence France-Presse,2014. L'avenir de la télévision serait-il menacé?


1.Analyse des règles de la programmation d'une chaîne privée

Présentation de la grille-horaire de TVA 
 
Gr             Grille-horaire de TVA (prime-time, 18 au 24 avril 2015)


18 h 30 19 h 00 19 h 30 20 h 00 20 h 30 21 h 00 21 h 30
Lundi
Gala Artis

Les 400 coups!
Testé sur des humains
Mardi
Mercredi
Rock et Rolland

Lol

Tranches de vie
Chicage Fire: Caserne 51

Dallas
La liste noire

Il était une fois

Jeudi
Aller simple

Vendredi
Du talent à revendre
Code source

Samedi
Cinéma
Dimanche
Céline une seule fois


Grille-horaire de TVA (prime-time, automne 2014)

Soirée (Hiver 2014)



18 h 30 19 h 00 19 h 30 20 h 00 20 h 30 21 h 00 21 h 30
Lundi
Mardi
Mercredi
Jeudi
Vendredi
Samedi
Cinéma
Dimanche

Source: Wikipedia


Été comme hiver, le divertissement est à l'honneur à TVA. Les séries dramatiques et les téléréalités de l'automne cèdent la place aux séries américaines traduites en été. On diffuse également une émission de téléréalité américaine (Du talent à revendre) pour remplacer une émission d'intérêt général (J.E) dans la grille-horaire estivale.  Il s'agit de deux types d'émissions qui visent la masse, de conception assez simple et qui ne nécessitent pas d'effort mental. Des émissions qui intéressent également les publicitaires puisque les cotes d'écoute sont intéressantes et qu'on atteint le public cible des annonceurs; les consommateurs de 18 à 45 ans.


Grille-horaire de TVA (matinée,18 au 24 avril 2015)


9 h 00 9 h 30 10 h 00 10 h 30 11 h 00 11 h 30 12 h 00
Lundi
Salut, Bonjour!
Deux filles le matin

Le Tricheur
Mario Dumont TVA Nouvelles

Mardi



Mercredi
Ça finit bien la semaine!

Signé M
Le Tricheur


Mario Dumont


TVA Nouvelles
Jeudi
Le Parcours
Le Tricheur
Mario Dumont TVA Nouvelles
Vendredi
Deck Possible Denis Lévesque
Le Tricheur
Mario Dumont TVA
Samedi
Salut,Bonjour W-E Deux filles le matin Deck possible Signé M TVA Nouvelles
Dimanche
Salut, Bonjour WE
Roue...
Cinéma
TVA Nouvelles



Grille-horaire de TVA (après-midi,18 au 24 avril 2015)


13 h 00 14 h 00 14 h 00
15 h 00 15 h 30 16h 00
Lundi
Salut, Bonjour!
O'
Toute la vérité

Infopub
Les feux de l'amour Top Modèles
Mardi
Toute la vérité
Infopub
Les feux de l'amour/ Top Modèles
Mercredi
O'

Toute la vérité

Infopub
Les feux de l'amour


Top modèles
Jeudi
O' Toute la vérité
Infopub
Les feux de l'amour/ Top modèles
Vendredi
O' Toute la vérité
Infopub

Samedi
Viens voir ici (13 hrs) Infopub (13:30hrs) Cinéma(14 hrs à 18 hrs)
Dimanche
Qu'est-ce qu'on attend?
Infopub
Tom et Jerry Cinéma




La télévision commerciale préfère de loin la répétitivité à l'innovation, les mêmes émissions se répètent donc de jour en jour dans les mêmes cases horaire. La chaîne use de la contre-programmation mimétique, (Tremblay et Harvey, 1991) c'est à dire que le programmateur se base sur les grilles-horaire des autres chaînes afin de synthétiser leurs programmations.


Si l'on observe par exemple la grille-horaire du 18 au 24 avril 2015 pour la chaîne de télévision généraliste V, on peut reconnaître les règles de la contre-programmation mimétique. La seule différence étant que V a décidé d'abolir son bulletin de nouvelles car la concurrence gagnait sur les cotes d'écoute. La chaîne a donc décidé d'offrir dans cette case horaire des émissions dont le contenu diffère des autres chaînes, il s'agit de contre-programmation. Une tactique destinée à satisfaire le petit nombre de personnes qui n'écoutent pas le bulletin de nouvelles des chaînes compétitrices.



Grille-horaire de V (prime-time, printemps 2015)




18 h 30 19 h 00 19 h 30 20 h 00 20 h 30 21 h 00 21 h 30
Lundi
Un souper presque parfait
Les jokers

Taxi payant
Les champions du web
Ce soir tout est permis
Le mentaliste
Mardi
Rire et délire
CSI: Miami
Chicago PD
Mercredi
Rire et délire





Personnes d'intérêt


Révolution



Jeudi
Merlin
Nashville
Les disciples
Vendredi
L'arbitre
Conquête du dragon d'or

Samedi
Cinéma
Dimanche
Cinéma
Cinéma
Rire et délire


Le lien dominant entre la quasi totalité des émissions diffusées à TVA et les publicitaires est que la convergence de l'empire Québécor s'immisce un peu partout à travers la publicité. Par exemple, on annonce les chaînes spécialisées de Vidéotron durant l'émission Salut, Bonjour!, allant jusqu'à y présenter trois fois d'affilée la même publicité. Puis on annonce également durant un autre segment publicitaire une pièce de théâtre commanditée par Québécor et l'album d'une ancienne participante à Star Académie.


1.2 Méthodes de fidélisation des publics


TVA a forgé son identité en se définissant comme une télévision de proximité. La chaîne tente donc de séduire les publics avec cette idée de promiscuité. Des décors intimistes et des contenus d'émissions qui visent à rappeler aux publics qu'ils font ''partie de la famille''. Puis on a misé sur la redondance afin de s'adresser au plus grand nombre possible en omettant les intellectuels et les pauvres. Car la télévision de marché ne s'intéresse guère aux intellectuels et aux pauvres. Elle est foncièrement capitaliste et superficielle.


Or il pourrait s'avérer de plus en plus difficile de fidéliser les publics pour les chaînes de télévision généralistes dans un avenir rapproché. Tandis que les jeunes se désintéressent de la télévision, les intellectuels et les pauvres découvrent également une nouvelle façon de consommer les médias : Internet. L' offre du web est beaucoup moins restreinte que l'offre télévisuelle et il s'agit de surcroît d'une alternative économique aux chaînes spécialisées. De plus, on échappe ainsi à la culture de masse et à l'information-spectacle qui n'intéresse guère les intellectuels.



1.3 Mission première de la chaîne et synergie des médias


TVA a une mission de divertissement, le groupe a d'ailleurs fait l'acquisition de chaînes spécialisées de divertissement telles que : AddikTV, Casa, Yoopa, Moi&Cie et Prise2. La synergie des médias de Québécor est en constante expansion, cela est explicable en partie par le fait que les lois du Québec sont peu sévères à ce niveau.
Ce qui n'est pas le cas, par exemple, en Europe. Les lois n'y permettent pas une telle convergence des médias et la programmation en est donc une de contenu. Puisque la contre-programmation mimétique est attribuable à la télévision de marché.


Le divertissement s'avère être beaucoup plus lucratif qu'une mission éducative en télévision : ''Télé-Québec, télévision de contenu à mission éducative récolte un maigre 2,7% de l'écoute télévisuelle cette année.'' (Centre d'études sur les médias, 2015) Tandis que ''TVA est le réseau généraliste le plus populaire, il obtient 24,9% des parts cette année, un résultat similaire à celui obtenu depuis 2010. ''


La convergence semble également avoir le vent dans les voiles dans l'industrie du divertissement : ''Souvent galvaudé, le terme «convergence» constitue néanmoins le véritable mot clé quant à l’avenir du divertissement de marque. Il s’applique de diverses
façons. Les médias traditionnels ne se contentent pas de créer des ajouts numériques; ils intègrent entièrement toutes les plateformes en un plan cohérent.'' (L’avenir du divertissement de marque, Duopoly, 2014) américaine.


Peut-on se demander si les publics ne seraient pas conditionnés depuis nombre d'années à adhérer au divertissement plutôt qu'à l'éducation? Si Télé-Québec avait par exemple bénéficié de la même synergie des médias que Québécor, les publics seraient-ils aujourd'hui plus cultivés?



1.4 Modes de financement d'une chaîne privée


Les chaînes publiques et privées se fient de plus en plus aux publicitaires afin d'accroître leurs profits ou de simplement atteindre leur équilibre budgétaire. Les autres sources de financement ayant considérablement diminué avec la fragmentation des marchés. Il est donc capital de plaire aux publicitaires afin de faire face à la concurrence.


TVA est donc financée en majeure partie par les fonds privés, mais également par les fonds publics. En effet, les stations de télévision privées comme TVA se retrouvent également à bénéficier indirectement des fonds publics puisque plusieurs de leurs émissions proviennent de producteurs indépendants qui sont financés par Téléfilm.



2. Contraintes économiques de la télévision de marché



2.1 Relations entre publicitaires et programmation


La relation médias/publics est au cœur de l'analyse de la télévision. Or la relation publicitaires/programmateurs est également primordiale puisque les télévisions publiques et privées sont de plus en plus financées par les publicitaires. Il est important de rejoindre le plus grand public possible afin que les annonceurs s'intéressent à une chaîne de télévision.


C'est pourquoi le travail du programmateur et essentiel, une bonne émission mal programmée perdra de l'intérêt pour le public; et par conséquent pour les annonceurs.Ceux-ci préféreront placer une seule publicité lors d'une émission qui a de bonnes cotes d'écoute plutôt que plusieurs annonces moins bien réparties.


Les représentants publicitaires ont accès à des données qualitatives d'auditoire de plus en plus poussées qui leur permettent de bien cibler les publics. Généralement, ils vont viser le créneau des acheteurs qui ont entre 18 et 45 ans. Ils vont donc acheter du temps d'antenne en fonction de la popularité de l'émission, mais également en fonction du type de personne à l'antenne. Les relations entre publicitaires et programmateurs sont donc délicates mais fondamentales.



2.2 Relations entre publicitaires et publics


Pour atteindre les publics, les publicitaires doivent également s'adapter au rythme de vie de ces derniers. Par exemple, l'effet d'une publicité de McDonalds sera intéressant si l'annonce est présentée durant l'émission Le Tricheur, un populaire jeu télévisé en rediffusion à 11:00hrs en semaine. Parce-que les publics seront alors potentiellement affamés et la publicité gagnera donc en efficacité.


Le fait de placer des publicités d'agences de voyage le samedi matin est aussi un choix judicieux, puisqu'il s'agit d'un moment propice pour faire des plans de vacances. Les publicitaires doivent donc garder à l'esprit que les publics seront davantage réceptifs à leur message s'ils suivent certaines règles de base. Ils doivent d'abord savoir à qui ils s'adressent, et à quel moment est-il favorable de le faire?



2.3 Concurrence et médias alternatifs


Le plus grand défi du programmateur d'une station demeure la fidélisation des publics. Celui-ci doit trouver des moyens efficaces d'éviter le fameux ''zapping'' et le ''grazing''; qui consiste à se promener d'une chaîne à l'autre. Avec la câblodistribution, il est de plus en plus difficile d'accrocher les publics sur une longue période. Il est donc primordial de capter l'intérêt des téléspectateurs dès le début d'une émission afin que ceux-ci ne soient pas tentés de changer de chaîne. Le magnétoscope, et maintenant l'internet, font désormais partie des ''ennemis'' du programmateur car ils permettent aux publics de contrôler leur temps d'écoute.

Le Québec a adopté le modèle de télévision capitaliste des États-Unis et l'objectif principal des différentes chaînes est donc d'accroître leurs profits ou sinon d'atteindre l'équilibre budgétaire. Hormis Télé-Québec, qui est une télévision de contenu. Quand on regarde les émissions de cette chaîne en différé sur le web, on n'est pas soumis à la publicité comme sur les autres chaînes. Par exemple, Tou.tv de Radio-Canada présente aussi des émissions en différé sur le web or la publicité est omniprésente et répétitive.


Les actifs doivent donc être bien utilisés afin de se démarquer habilement de la concurrence. Les médias alternatifs offrent de surcroît une contre-programmation susceptible d'intéresser davantage les jeunes, les intellectuels et les pauvres.En fait, les médias alternatifs semblent intéresser de plus en plus les publics qui se désintéressent de la télévision de marché. ''C’est ce qu’a observé la firme Leichtman Research Group, qui estime que le nombre d’Américains abonnés à un service d’Internet haute vitesse se chiffre à 49,915 millions contre 49,910 millions d’Américains abonnés au câble. Une différence minime, certes, mais qui risque fort bien de s’accentuer au fil du temps. '' (Laurent Lasalle, 15 août 2014)


3. Analyse sociopolitique de l'empire TVA

    1. Positionnement politique du Groupe TVA


L'empire Québécor détient un pouvoir médiatique important et son influence politique est considérable. Pierre-Karl Péladeau possède 40% des actions de Québécor et il est actuellement député de Saint-Jérôme. Une situation qui a semé l'émoi au sein de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) lors de son annonce en 2014 : 



« Le mélange entre une éventuelle haute fonction politique au gouvernement et la propriété de 40 % de l'information au Québec est explosif. » —Communiqué de la FPJQ (Radio-Canada, 10 mars 2014) De plus, M. Péladeau se présente comme candidat à la chefferie du Parti Québécois, à la suite de Pauline Marois. Le magnat de la presse et du divertissement au Québec a également été nommé à la présidence du conseil d'administration de notre plus grande société d'état (Hydro-Québec) en 2014.



3.2 Conflit d'intérêts médiatiques et politiques


Lors de la nomination de Pierre-Karl Péladeau à la présidence du conseil d'administration de Hydro-Québec par Pauline Marois, celle-ci a tenté de se faire rassurante : «[...] si tant est qu’il y avait des dossiers où il pourrait risquer d’être en conflit d’intérêts, évidemment, à ce moment-là, il l’indiquera et se retirera des décisions qui pourraient être susceptibles de le mettre en conflit d’intérêts.¹ »Toutefois la relation entre M. Péladeau et Mme. Marois est elle-même au cœur d'un conflit d'intérêt qui fait les manchettes actuellement. Ce n'est pas la première fois que M. Péladeau se retrouve au cœur d'un conflit d'intérêt de ce type, on se souvient notamment de la polémique autour de la politique sur le prix unique du livre. PKP a alors participé aux discussions du Conseil des ministres tandis que ses sociétés sont les principaux éditeurs du Québec.


Récemment, Pauline Marois a accordé un crédit d'impôt à Pierre-Karl Péladeau à la veille du déclenchement des dernières élections. Une faveur qui avantageait uniquement Productions J, la compagnie de Julie Snyder, conjointe de M. Péladeau. Auparavant, la loi stipulait qu'une compagnie de production liée à un diffuseur ne pouvait pas bénéficier des crédits d'impôts visés. Or le gouvernement Couillard a décidé récemment de revenir sur cette décision en annulant le crédit d'impôt. Julie Snyder appuie publiquement le PQ depuis plusieurs années, on se souvient de son accolade donnée à Pauline Marois le 30 août 2012 au Métropolis de Montréal. Elle dénonce aujourd'hui la décision du gouvernement Couillard en la qualifiant de ''discriminatoire'' ( Tommy Chouinard, Martin Croteau, 28 avril 2015, La Presse) . On entre donc dans une crise politique générée par un conflit d'intérêts lié à la synergie des médias de Québécor.


3.3. Internet et pouvoir médiatique et politique


La synergie des médias de Québécor est également omniprésente sur le web, les fils d'actualités des réseaux sociaux regorgent de nouvelles concernant PKP et son empire. Plusieurs entreprises de PKP sont productrices de contenu numérique, (Sun-Media, TVA, Super-Club Vidéotron...) c'est pourquoi en se présentant comme candidat à la chefferie du Parti Québécois M. Péladeau parle d'établir un plan d'action numérique. Ce plan avantagerait assurément plusieurs de ses projets en tant que fournisseur éventuel de services en ligne. Le plan d'action numérique parle notamment de: réformes ou créations de programmes gouvernementaux destinés aux individus et entreprises, profilage des consommateurs par les entreprises et soutien à la numérisation du livre (Pierrot Péladeau, 14 mars 2014, Le Journal de Montréal). Des mesures qui avantageraient Québécor à coup sûr.

En somme, le pluralisme de l'information est en déclin au Québec puisque les médias ne sont pas tenus à l'indépendance politique. Fort heureusement, l'avènement du web nous donne accès à de l'information qui échappe au contrôle des médias. J'ose espérer que la nouvelle sphère médiatique arrivera à diluer la désinformation et la culture de masse au profit du savoir.






1 Jessica Nadeau, «Pierre Karl Péladeau présidera le conseil d'Hydro Québec», Le Devoir, 17 avril 2013, www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/375896/pierre-karlpeladeaupresideraleconseilhydroquebec