Les
enjeux sociaux et culturels contraignent les programmateurs à
adapter la grille-horaire aux goûts des publics, et ce tout en
considérant l'impératif du commerce et de la rentabilité. Le
divertissement se taille une place de plus en plus importante sur nos
écrans, l'information-spectacle s'impose dorénavant comme étant un
modèle à suivre. Les émissions d'affaires publiques sont
d'ailleurs fréquemment présentées sous forme de talk-show ou de
débats à saveur sensationnaliste.
Deux
logiques contradictoires ont forgé au fil du temps l'identité de la
télévision au Québec: l'une définissant le média comme étant un
service
public
et l'autre l'identifiant comme étant soumis à une
logique commerciale.
La logique
commerciale a
mené à travers l'histoire à l'homogénéisation des contenus dans
un contexte où
la compétition est de plus en plus féroce. Les programmateurs des
chaînes de télévision généralistes préfèrent ne pas prendre de
risques, ils usent donc de la contre-programmation mimétique au
détriment du renouveau de leurs contenus. Malgré
l'homogénéisation de la télévision, certains types de programmes
échappent toutefois à la normalisation.
Les
chaînes privées auront davantage tendance à adopter la logique
commerciale
dans leur programmation tandis que les chaînes publiques
s'intéresseront davantage à la logique de services
publics.
Une différence observable à juste titre dans les différents
contenus des émissions d'affaires publiques. Bien que toutes les
chaînes tendent vers l'information-spectacle, les chaînes publiques
présentent toutefois des émissions d'affaires publiques de type
service
public, tandis
que les chaînes privées se contentent bien souvent de diffuser de
l'information-spectacle suivant une logique
commerciale.
- Analyse du contenu des émissions d'affaires publiques
En
ce qui a trait aux émissions d'affaires publiques, on retrouve
différents formats d'émissions tels que les magazines, les séries
documentaires et les débats/entretiens.Une
chaîne publique à vocation éducative présentera davantage de
séries documentaires et d'émissions de services, tandis qu'une
chaîne privée possédant un mandat de divertissement traitera les
émissions d'affaires publiques de façon plus légère, avec des
émissions de type débats/entretiens au coût de production moindre.
TVA
met en ondes des émissions telles que Denis
Lévesque et
Mario
Dumont
, qui traitent des sujets d'actualités en passant par le
sensationnalisme. Il s'agit d'un format d'émission de type
débats/entretien. Radio-Canada présente des séries telles que
L'épicerie
,
La
Facture
ou La
semaine verte,
qui sont des émissions de services. Le magazine Enquêtes
qui
est une émission de journalisme d'enquête à saveur
sensationnaliste remporte un certain succès en raison de son
potentiel de divertissement. En effet, Radio-Canada tend de plus en
plus vers le divertissement en tentant de suivre la ligne directrice
de son mandat éducatif. Second
Regard et
Découvertes
proposent
quant à elles des émissions thématiques et des séries
documentaires beaucoup plus coûteuses à réaliser que les émissions
de type débats/entretiens.
Télé-Québec
qui est une chaîne publique à vocations éducative et culturelle
présente des documentaires et des mini-séries documentaires. Le
magazine de services Une
pilule une petite granule propose
quant à lui des dossiers sur différents sujets qui touchent la
santé. Ça
vaut le coût!
est également un magazine de services qui traite de différents
sujets visant à outiller les publics. Le
code Chastenay est
une émission de vulgarisation scientifique du même type que
Découvertes.
L'émission
Deux
homme en or est
un format talk-show qui traite des affaires publiques tout en passant
par le divertissement, comme quoi les télévisions publiques
s'intéressent aussi à la logique
commerciale.
1.2
Contenu des émissions
Le
contenu des émissions d'affaires publiques varie donc d'une émission
à l'autre et d'une chaîne à l'autre. TVA traite des questions
politiques, économiques et sociales d'un point de vue relativement
étroit puisque l'information y est traitée selon les opinions des
animateurs. La chaîne n'a qu'un seul type de contenu en ce qui a
trait aux émissions d'affaires publiques. Ces contenus sont basés
sur une
logique commerciale, donc
la chaîne présente des émissions dont la forme importe davantage
que le contenu.
Les
émissions d'affaires publiques de TVA sont calquées sur certains
programmes de radio populaires où
un animateur enflammé commente l'actualité selon sa propre
perception des événements.
Radio-Canada
présente quant à elle des programmes sur les questions pratiques,
la chaîne touche également aux sciences et technologies ainsi qu'
aux découvertes du monde et de la nature. En somme, son offre est
beaucoup plus riche que l'offre de TVA en raison de son mandat
éducatif. Elle se base davantage sur une logique de service
public mais
elle demeure sensible à la logique
commerciale
dans l'élaboration de ses contenus.
Télé-Québec
présente aussi des programmes sur les questions pratiques et les
sciences et technologies, elle traite également des questions
politiques, économiques et sociales. Elle se base peu sur la logique
commerciale,
phénomène plutôt rarissime dans le milieu télévisuel actuel.
Bien sûr la chaîne doit compter sur ses annonceurs pour survivre,
or ses contenus se basent principalement sur la logique de
service public. C'est
pourquoi ses programmes sont plus riches et variés en général que
ceux présentés par les autres chaînes.
1.3
Public cible visé
Les
chaînes de télévision généralistes telles que TVA et
Radio-Canada visent un large auditoire en raison de la logique
commerciale qui
les affecte davantage; nonobstant leur mandat de départ. La
compétition de plus en plus féroce, la multiplication des chaînes
et l'avènement
du web contraignent les chaînes publiques à se prêter à la loi du
commerce. C'est pourquoi le public cible visé par les chaînes
généralistes est le ''grand public''. Télé-Québec détient
quant à elle un mandat spécial d'éducation par rapport aux jeunes
publics, mais elle présente également plusieurs émissions qui
s'adressent à un public plus large. '' Télé-Québec reconnaît le
besoin des enfants et des jeunes de se voir et de se retrouver dans
des émissions de télévision. Ainsi, la programmation pour enfants
et adolescents occupe une place privilégiée dans sa grille horaire.
La titulaire souligne que pour l’année de radiodiffusion
2007-2008, la programmation jeunesse de Télé-Québec comptait pour
un peu moins de la moitié de sa grille de programmation .''
(Décision de radiodiffusion CRTC 2009-444, juillet 2009, art. 3)
En
somme les grille-horaire des télévisions généralistes sont
toutefois conçues de façon à rejoindre la masse; et ce afin
d'accroître les profits. Télé-Québec est toutefois moins sensible
à cette logique
commerciale puisque
son public -cible et son mandat diffèrent. Mais quoi qu'il en soit,
les émissions
d'information et d'affaires publiques s'adressent toujours au ''grand
public''.
- Origine des productions
Les
jeux télévisés et les émissions d'information et d'affaires
publiques représentent l'essentiel des activités de production de
TVA. ''Les Québécois francophones manifestent une nette préférence
pour les émissions produites au Québec'' (Caplan, Sauvageau, 1986:
223-224) c'est pourquoi la chaîne produit des émissions dans ses
studios; or peu de séries dramatiques dont les coûts de production
sont très élevés y
sont
produites. TVA préfère importer ce type d'émission des États-Unis
pour un coût moindre. Cependant les émissions d'affaires publiques,
pour intéresser les publics; doivent traiter des enjeux sociaux et
culturels qui les touchent. C'est pourquoi ce type d'émissions est
rarement importé.
Les
choix du programmateur quant à la l'origine des productions de TVA
sont donc basés sur une logique
commerciale. Lors
de son audience au Conseil
de la radiodiffusion et télécommunications canadiennes
à Ottawa le 26 avril 2012, Québécor
Média
a accepté un engagement à dédier 80% de ses dépenses en
production à la programmation canadienne, or QMi est revenu sur sa
décision le 20 janvier 2012:
'' QMi
a soutenu qu’aucune mesure réglementaire ne lui semble nécessaire pour
veiller au soutien financier de la production d’émissions
prioritaires afin de stimuler la création et la promotion du contenu
canadien puisque le marché de langue française dicte en lui-même
des seuils significatifs d’émissions prioritaires.'' (Décision de
radiodiffusion CRTC 2012-242, avril 2012, art. 15)
Par
ailleurs, une récente décision CRTC entend modifier la loi sur les
quotas d'émissions canadiennes: '' L'organisme de réglementation
fédéral a annoncé jeudi, à la surprise de plusieurs, que les
réseaux canadiens de télévision n'auraient plus à présenter
d'émissions produites au pays avant 18h. Auparavant, 55% des
émissions présentées devaient être canadiennes.'' (Étienne
Fortin-Gauthier, 15 mars 2015) Une décision qui risque d'avoir un
impact négatif sur l'industrie télévisuelle au Québec, puisque
les chaînes généralistes auront davantage tendance à faire
l'acquisition d'émissions en provenance des États-Unis.
La
SRC a quant à elle accepté le mandat du Conseil
de la radiodiffusion et télécommunications
canadiennes lors
de son audience le 28 mai 2013: '' À l’heure actuelle, le Conseil
s’attend à ce que la télévision de langue anglaise et celle de
langue française consacrent au moins 75% de la journée de
radiodiffusion et 80% des heures de
grande écoute (de 19 h à 23 h) à des émissions canadiennes. Pour
la prochaine période de licence, la SRC a indiqué être disposée à
accepter que ces attentes deviennent des conditions de licence.'' (
Décision de radiodiffusion CRTC 2013-263 et Ordonnances de
radiodiffusion CRTC 2013-264 et 2013-265, 28 mai 2013,art. 39)
Lors
de son audience à Ottawa le 28 mai 2013, il a été proposé à la
SRC de présenter 50% d'émissions en provenance de producteurs
indépendants. ''La Canadian Media Production Association (CMPA) et
On Screen Manitoba (OSM) déclarent que la condition de licence
devrait préciser qu’au moins 50 % de la programmation devrait
provenir de producteurs indépendants et mentionner la région
d’origine.'' (Décision de radiodiffusion CRTC 2013-263, art. 33)
Radio-Canada
produit également ses propres émissions d'affaires publiques. Ces
émissions sont disponibles sur le site web de la chaîne,
accessibles jusqu'à l'extérieur
du
Québec. ''Les émissions disponibles sur tou.tv ne sont pas
disponible hors du Canada en général, sauf celles qui sont
produites par Radio-Canada, en particulier les
émissions
d’affaires publiques.'' (Mathieu Durocher, novembre 2014,
http://entraide.ici.radio-canada.ca/sujet/tout-tv-donc-t-il-au-usa/)
Il
s'agit donc d'une partie importante de la programmation de la chaîne
puisque ces émissions sont susceptibles de toucher un public plus
large. La provenance des émissions de la SRC est basée tantôt sur
une logique
commerciale,
tantôt sur une logique de service
public.
Télé-Québec
présente quant à elle des émissions qui proviennent en majeure
partie de producteurs indépendants: ''Télé-Québec
affirme que plus de 95 % de ses émissions proviennent actuellement
du secteur de la production indépendante et indique qu’elle compte
continuer à utiliser les services de producteurs indépendants dans
les mêmes proportions pour la prochaine période de licence. ''
(Décision de radiodiffusion CRTC 2009-444, art. 8) L'origine de ses
productions est donc presque entièrement basée sur une logique de
service
public.
1.5
Fonction remplie par l'émission dans la programmation
L'information
télévisée et les émissions d'affaires publiques répondent à un
besoin des publics de se situer par rapport à leur environnement
politique, économique, culturel et social . Les émissions
d'affaires publiques commentent ou rapportent au moyen de reportages
les actualités qui intéressent les publics. Toutefois,
l'objectivité journalistique peut parfois être remise en cause dans
la présentation de ce type de programmes.
Par
exemple, TVA offre une programmation des émissions d'affaires
publiques qui relève strictement de l'éditorial. Des animateurs
commentent et exposent la nouvelle selon leur perception. En
contrepartie, Radio-Canada et Télé-Québec font davantage preuve
d'objectivité à travers leurs différentes émissions d'affaires
publiques. L'information télévisée est toutefois manipulée la
plupart du temps de façon à faire accepter aux publics la
prédominance de l'hégémonie. En ce sens que le discours télévisuel
est étudié de manière
à faire accepter la domination politique et les intérêts des
classes dominantes. La télévision vise donc à ''faire adhérer à
une vision du monde'' à ''fabriquer un consensus social'' (Herman,
Chomsky, 1988) et les émissions d'affaires publiques en témoignent.
- Contraintes sociales et programmation
2.1
Évolution des publics et des programmations
La
télévision est apparue au Québec en 1952, et elle fût d'abord
modelée sur les contenus radiophoniques qui présentaient à
l'époque des émissions de divertissement tels que les soaps-opera
, premiers
balbutiements du divertissement dans le monde des médias au Québec.
Au
début des années 80, le public a commencé à développer de
nouvelles habitudes de consommation avec le magnétoscope et la
location de vidéocassettes.
Puis
l'avènement d'internet est venu modifier à nouveau ces pratiques,
si bien que les clubs vidéos sont en actuellement chute libre. ''
Depuis
2008, plus de la moitié des clubs vidéo ont disparu au Québec. ''
(Deux autres clubs Vidéotron ferment leurs portes à Québec,
Jean-Michel Genois-Gagnon, Le Soleil, 25 janvier 2015) Aujourd'hui,
on observe de plus plus en de contenu web calqué sur le mode de
fonctionnement de la télévision. Des créateurs de contenus font
appel à des annonceurs afin de rentabiliser leurs programmations
dont le contenu diffère de la programmation télévisuelle
régulière. Des chaînes de diffusion en streaming
sur internet offrent donc aux publics des contenus de plus en plus
spécifiques et variés. Les programmateurs de télé généraliste
ont ainsi été contraints de s'adapter à l'ère du web.
La
télévision a donc subi de multiples transformations depuis son
apparition dans les foyers du Québec. La radio a initié la
télévision qui était au départ basée sur une logique de service
public. La
mondialisation du marché de la télévision a ensuite apporté la
multiplication des chaînes et la logique
commerciale qui
en découle. Puis les
habitudes d'écoute des publics ont été modifiées avec l'usage des
magnétoscopes et la location de vidéocassettes. Aujourd'hui, ces
pratiques sont à nouveau modifiées avec l'avènement du web.
Peut-on
se questionner sur la pertinence d'une offre aussi abondante de
canaux spécialisés? À qui profite véritablement
cette offre, aux publics ou à la logique
commerciale?
- Avenir des émissions d'affaires publiques au Québec
Dans
sa nouvelle politique réglementaire sur la télévision, le CRTC
adopte des décisions qui pourraient nuire à l'avenir de la
télévision traditionnelle. En effet, ''la FNC constate que le
Conseil privilégie une approche où la télévision (linéaire ou
non) choisira des productions populaires favorisant les cotes
d'écoute, et laissera dans l'ombre les genres traditionnellement
associés à la culture de tout acabit.'' (Des choix qui nuisent à
l'avenir de la télé traditionnelle, Fédération nationale des
communications, ( FNC-CSN) 20 mars 2015)
De
plus, le CRTC accorde dorénavant aux diffuseurs le droit de diffuser
le ''genre'' d'émissions qu'ils veulent. En ce sens qu'il n'y aura
plus de normes établies en ce qui concerne le type d'émissions que
les télévisions généralistes doivent programmer. ''Cela risque
fort de faire en sorte que toutes les télévisions finissent par se
ressembler, et que certains types d'émissions, comme la culture, les
arts, les documentaires ou les affaires publiques disparaissent de
l'écran. '' (Des choix qui nuisent à l'avenir de la télé
traditionnelle, Fédération nationale des communications, ( FNC-CSN)
20 mars 2015)
En
somme, le CRTC relâche ses normes en raison de la logique
commerciale qui prend de plus en
plus le dessus sur la logique de service public. Les
publics ne sont plus au centre des préoccupations des
programmateurs, on se soucie dorénavant des annonceurs en premier
lieu. On a ainsi conditionné les publics à l'insipidité de l'offre
télévisuelle. Un changement qui s'est opéré très lentement au
fil des années, si bien qu'aujourd'hui on s'attend avant tout à
être diverti par la télé.
Pour le volet informatif, le web s'avère dorénavant mieux adapté
et permet aux publics de se forger une opinion libre grâce à la
diversité des sources d'information. L'avenir de la télévision
traditionnelle est donc menacé par l'appauvrissement de son offre,
jouxté à la recrudescence des contenus web; de plus en plus riches
et diversifiés.
Liste
des documents consultés
- Décision de radiodiffusion CRTC 2009-444, juillet 2009
- Rapport Caplan, Sauvageau, 1986
- Décision de radiodiffusion CRTC 2012-242, avril 2012
- Quotas d'émissions: la décision du CRTC inquiète Hélène David , Étienne Fortin-Gauthier, La Presse Canadienne, 15 mars 2015
- Décision de radiodiffusion CRTC 2013-263 et Ordonnances de radiodiffusion CRTC 2013-264, 28 mai 2013
- http://entraide.ici.radio-canada.ca, Mathieu Durocher, novembre 2014
- The Political Economy of the Mass Media , Herman, Chomsky, 1988
- Deux autres clubs Vidéotron ferment leurs portes à Québec, Jean-Michel Genois-Gagnon, Le Soleil, 25 janvier 2015